Beaucoup de Canadiens ont vécu des tragédies personnelles durant la Grande Guerre. Celle-ci a divisé des familles en intensifiant les sentiments de chagrin, de crainte et de haine. En plus des malheurs personnels qui sont arrivés aux Canadiens, il y a eu des tragédies de grande envergure, qui ont été ressenties à l'échelle nationale. L'incendie du Parlement, qui symbolisait les ravages de la guerre, a touché le cœur du pays. Par ailleurs, l'explosion d'Halifax a mis le Canada directement en contact avec le carnage et l'horreur de la guerre. La catastrophe du pont de Québec et l'épidémie de grippe espagnole sont des exemples de catastrophes technologiques et naturelles dont la guerre a aggravé l'impact sur une société lasse des hostilités. Les événements susmentionnés ne sont que quelques exemples des désastres qui se sont produits au front intérieur.
L'incendie du Parlement - le 4 février 1916
Le soir du 3 février 1916, un incendie d'origine mystérieuse a dévoré l'élégant édifice central de style néogothique de la Colline du Parlement. Les flammes intenses ont consumé l'édifice rapidement et l'intérieur de la tour centrale s'est effondré un peu après minuit. Bien que la plupart des gens qui s'y trouvaient aient pu en sortir sains et saufs, au moins sept personnes auraient péri dans l'incendie selon le Citizen d'Ottawa. La Bibliothèque du Parlement, avec sa précieuse collection de livres, a été épargnée fortuitement grâce aux épaisses portes de métal qui la séparaient du reste de l'édifice du Centre original.
Exploitant les craintes du public relativement à un complot de la part des Allemands, beaucoup de journaux de l'époque ont déclaré immédiatement que cet incendie était un acte délibéré de sabotage. Le Globe de Toronto a rapporté que, bien que la cause « officielle » de l'incendie soit un cigare laissé quelque part sans surveillance, beaucoup de gens à Ottawa, dont de nombreux députés, disaient officieusement que les Boches étaient les responsables.
Le Musée commémoratif Victoria, dont l'immeuble abrite maintenant le Musée canadien de la nature, a été choisi comme siège du Parlement jusqu'à ce que la structure détruite puisse être rebâtie. Le 1er septembre 1916, le Gouverneur général du Canada, Son Altesse Royale le duc de Connaught, a posé la première pierre du nouvel édifice du Centre. Cela a été l'une des dernières tâches que le duc de Connaught a accomplies à titre de Gouverneur général, car il a quitté le Canada peu de temps après pour exercer un commandement dans les forces armées britanniques.
Bibliothèque et Archives Canada, Photographe : J.B. Reid, C-010079
Incendie des édifices du Parlement, photo prise à minuit et demie, quelques minutes avant l'effondrement de l'intérior de la tour, le 4 février 1916
Bien qu'on ait d'abord soupçonné les Allemands d'être à l'origine de l'incendie qui avait détruit l'édifice du Centre, on a rapporté plus tard que cet incendie avait été causé par une cigarette ou un cigare laissé trop près de papiers épars. Cette photographie, prise par J.B. Reid, est l'une des nombreuses photos de l'incendie qui font partie de la collection Canada.
Bureau des brevets et des droits d'auteur.
Bibliothèque et Archives Canada. Photographe : J.B. Reid, RD-000237
Les pompiers arrosent l'édifice du Centre, Édifices du Parlement, Ottawa (Ontario), le4 février 1916
Sous l’action du froid hivernal de février, l’eau qui avait jailli des boyaux des pompiers a transformé les vestiges calcinés de l’édifice du Centre en un magnifique palais de cristal de style néogothique.
Bibliothèque et Archives Canada. Photographe : Samuel J. Jarvis, PA-024985
L'édifice du Centre, Édifices du Parlement, Ottawa (Ontario), le 4 février 1916 après l'incendie qu'a commencé la nuit précédente
Cette photo, prise à partir de l’édifice de l’Ouest le lendemain de l’incendie, montre l’étendue des ravages. La tour de l’édifice du Centre, que la structure bien connue de la Tour de la Paix a remplacée, se trouve à l’avant-plan. À l’arrière-plan, on peut voir la silhouette de la Bibliothèque, qui a échappé à la destruction.
Bibliothèque et Archives Canada. POS-199
Les Pères de la Confédération, timbre commémorant le 50e anniversaire de la Confédération canadienne, 1917
Le cinquantième anniversaire de la Confédération aurait dû être un grand événement dans l’histoire du Canada, mais il a eu lieu durant l’une des périodes les plus sombres de la guerre. Le Service postal a émis ce timbre commémoratif de trois cents qui représente la célèbre peinture des Pères de la Confédération de Robert Harris. L’original de cette œuvre a été détruit lors de l’incendie qui a dévasté l’édifice du Centre.
Bibliothèque et Archives Canada. MG 27 II B3, vol.1
Discours prononcé par Son Altesse Royale le duc de Connaught lors de la pose de la première pierre du nouvel édifice du Parlement, le 1er septembre 1916
Dans ce discours, le Gouverneur général tente de remonter le moral des Canadiens en déclarant que le Canada est à un tournant de sa période de « troubles » et que les Canadiens devraient être fiers de leurs jeunes soldats, qui continuent à se battre vaillamment pour « l’honneur, la liberté, la justice et l’humanité ». Il conclut en disant espérer que, tout comme l’ancien édifice du Parlement, le nouvel immeuble aura l’honneur d’accueillir beaucoup d’hommes distingués qui œuvreront pour le bien et l’avancement du pays.
La catastrophe du pont de Québec -- le 11 septembre 1916
Lorsque le pont de Québec s'est effondré en septembre 1916, un terrible sentiment de déjà vu a été ressenti dans toute la ville. Ce pont, dont la conception en faisait l'un des plus perfectionnés au monde, s'était déjà écroulé neuf ans plus tôt. Quatre-vingt-cinq travailleurs ayant péri dans cette tragédie, une commission royale a mené une enquête sur cette défaillance cataclysmique. À ce jour, tous les ingénieurs sortants des universités canadiennes reçoivent un anneau de fer pour leur rappeler cet événement et la responsabilité qu'ils ont de bien concevoir et exécuter leurs projets.
Le second accident s'est produit au moment où l'on hissait la dernière section du pont entre les travées de fer reconstruites. Plusieurs photographes étaient présents pour saisir en photo ce qui devait être un moment de triomphe. Malheureusement, ce qu'ils ont photographié, c'est la chute spectaculaire de la travée centrale dans le fleuve Saint-Laurent, qui a entraîné la mort de 11 personnes.
Immédiatement, la presse a parlé de la possibilité d'un acte de sabotage de la part des Allemands. Cependant, il est vite devenu clair qu'il s'agissait là d'un autre accident tragique. La reconstruction a commencé presque immédiatement après l'accident et les constructeurs du pont ont obtenu l'autorisation d'acquérir de l'acier, matériau très recherché à cause de l'effort de guerre. Après l'achèvement des travaux de construction du pont en 1917, il fallait se procurer des laissez-passer spéciaux pour le traverser. Des soldats armés et, plus tard, la Police fédérale ont gardé le pont et vérifié les laissez-passer jusqu'à la fin de la guerre.
Bibliothèque et Archives Canada, Photographe : Chesterfield et McLaren, C-003623
La chute de la travée centrale du pont de Québec (Québec)
Plusieurs photographes postés autour de la structure alors qu'on s'apprêtait à mettre en place la dernière travée ont pris des photos spectaculaires du pont tombant dans l'eau.
Bibliothèque et Archives Canada. C-002888
Le sauvetage des survivants de la travée centrale du pont de Québec après qu'elle soit tombée dans le fleuve St-Laurent le 11 septembre 1916
Bien qu’on soit intervenu rapidement dans des embarcations de secours, 11 hommes ont péri dans la chute de la travée centrale du pont de Québec. Malgré deux catastrophes et des ressources humaines et matérielles limitées à cause de la guerre, la construction du pont s’est poursuivie. Celui-ci a enfin été achevé en 1917.
Bibliothèque et Archives Canada. RG 43, série A-1-2, vol. 432, dossier 11331
Lettre du fermier Jos. Geo. Routhier à sir Robert Borden, premier ministre du Canada, 24 septembre 1918
Dans cette lettre, Monsieur Routhier demande au premier ministre s’il peut obtenir un laissez-passer afin que sa famille et lui puissent traverser le pont de Québec. Il informe M. Borden qu’il a déjà essayé, à plus de dix reprises, d’obtenir un tel laissez-passer, mais qu’il a essuyé un refus à chaque fois. À cette époque-là, c’est la Police fédérale qui s’occupait de la protection du pont de Québec, ce qui comprenait la délivrance et l’examen des laissez-passer en question.
Bibliothèque et Archives Canada. Photographe : E.M. Finn, PA-135835
Soldat montant la garde sur le pont de Québec (Québec), 1916
Une sentinelle solitaire monte la garde sur l’un des épais piliers de maçonnerie du pont de Québec. Cette photo a été prise par E.M. Finn, un employé de la Dominion Bridge Company Ltd. À l’origine, celui-ci projetait de prendre des photos à partir de la travée centrale du pont, vouée à un sort funeste, le jour de la chute. Sa décision de changer de poste d’observation à la dernière minute lui a sauvé la vie.
Bibliothèque et Archives Canada. RG 43, series A-1-2, vol. 432, file 11331
Lettre d’A.P. Sherwood, commissaire en chef de la Police fédérale, au sous-ministre des Chemins de fer et Canaux
Durant la Grande Guerre, le gouvernement du Canada a ordonné que les principaux ouvrages publics du Dominion, dont le pont de Québec, soient protégés. Dans cette lettre, M. Sherwood demande au sous-ministre des Chemins de fer et Canaux si la Police fédérale doit continuer d’assurer la protection de ce pont bien que la guerre ait pris fin.
L'explosion d'Halifax -- le 6 décembre 1917
L'explosion dévastatrice qui s'est produite dans le port d'Halifax le 6 décembre 1917 a mis le Canada directement en contact avec l'horrible carnage et la destruction causés par la Première Guerre mondiale. L'explosion, que l'on dit avoir été la pire déflagration d'origine humaine avant l'invention de la bombe atomique, a rasé environ deux kilomètres carrés d'Halifax et été entendue, semble-t-il, jusque dans l'Île-du-Prince-Édouard.
Le port d'Halifax était le centre des opérations maritimes du Canada durant la Première Guerre mondiale. Devant la ville, les eaux grouillaient de bateaux transportant des soldats, de navires de ravitaillement et de navires de guerre, qui s'en allaient prendre part à l'effort de guerre ou qui s'en revenaient. Le matin du 6 décembre 1917, deux de ces navires, l'Imo, de Norvège, et le Mont Blanc, navire de munitions français, sont entrés en collision dans la partie la plus étroite du port, un peu à l'extérieur de la grande zone d'étape du bassin Bedford. Le Mont Blanc transportait plus de 2 500 tonnes de benzène, de TNT, d'acide picrique et de fulmicoton. On croit que les contenants de benzène entreposés sur le pont se soient mis à couler immédiatement après la collision et se soient enflammés peu de temps après. Conscient du danger, l'équipage a quitté le navire et s'est dirigé vers Dartmouth, pendant que le vaisseau abandonné dérivait vers le quai no 6, du côté d'Halifax. Un grand nombre de spectateurs, qui ne se doutaient pas de la volatilité de la cargaison du Mont Blanc, ont commencé à se rassembler près du quai pour regarder le navire s'approcher de la rive.
Dans un éclair d'une intensité inimaginable, le Mont Blanc a explosé à peine 20 minutes après la collision. Toutes les voies de communication avec la ville ont été immédiatement coupées. Plus de 1 600 personnes sont mortes sur-le-champ, tandis que beaucoup d'autres sont décédées plus tard des suites de l'explosion, ce qui a porté le nombre total de morts à plus de 2 000 personnes. Comme c'est le cas pour toutes les catastrophes de cette nature, on ne connaîtra jamais le nombre exact de personnes touchées. Cependant, selon plusieurs comptes rendus, l'explosion aurait fait jusqu'à 9 000 blessés, y compris de 200 à 600 personnes qui ont perdu la vue. De l'aide destinée aux Haligoniens touchés par cette tragédie est arrivée en masse du reste du Canada et de l'extérieur. Une des mesures de plus longue durée pour venir en aide aux victimes de l'explosion est la Commission de secours d'Halifax. Ce programme, qui est maintenant administré par le ministère fédéral des Anciens combattants, continue d'aider les vicitimes restantes 84 ans après l'explosion.
Bibliothèque et Archives Canada, RG 24, série D-1-a, vol. 5634, dossier 37-25-1, partie 1.
Publiée avec la permission de la Société royale du Canada
Carte montrant les effets dévastateurs de l’explosion
La Société royale du Canada a publié un rapport scientifique exposant en détail les causes et les effets de l’explosion d’Halifax. Dans cette carte tirée du rapport, on a dessiné les zones concentriques de dégâts qui se sont formées autour du lieu où le
Mont Blanc a explosé, près du quai no 6. On a fait observer que l’explosion d’Halifax a été la plus importante déflagration d’origine humaine avant l’ère atomique et que la configuration des dommages causés est étrangement semblable à celle des ravages d’une explosion atomique.
Bibliothèque et Archives Canada. RG 24, série D-1-a, vol. 5634, dossier 37-25-1, partie 1
Télégramme au Quartier général du Service naval, Ottawa, le 6 décembre 1917
La violence de l'explosion dans le port d'Halifax a entraîné un bris des communications qui a isolé la ville du reste du monde. Puisqu'il était essentiel de rétablir le contact, surtout en plein cœur de la guerre, l'auteur de ce télégramme propose d'adopter la communication sans fil -- ou radio.
Bibliothèque et Archives Canada. RG 3, série C-2, vol. 644, dossier 87629
Lettre de W.E. McClelland, inspecteur du Service postal, à R.M. Coulter, sous-ministre des Postes
La dévastation et la souffrance extrêmes dont l’inspecteur du Service postal, W.E. McClelland, a été témoin sont manifestes dans ce rapport, malgré son ton administratif. Bien que personne n’ait été grièvement blessé au bureau de l’inspecteur, M. McClelland écrit qu’il y a eu plusieurs victimes parmi les employés d’autres succursales postales et qu’aucune famille de la ville n’a été épargnée par cette tragédie.
L'épidémie de grippe espagnole -- automne 1918
Les frissons, les douleurs et la fièvre associés à la grippe constituent un rituel pénible que tous les Canadiens connaissent bien. Il est toutefois rare qu'un virus soit considéré comme une menace grave pour la majorité de la population. À l'automne 1918, des soldats rentrant chez eux après avoir pris part à la Grande Guerre ont introduit au pays un tueur aéroporté non sélectif. L'épidémie de grippe espagnole, qui a causé la mort de plus de 20 millions de gens dans le monde entier, dont 50 000 rien qu'au Canada, a fait plus de victimes que les champs de bataille d'Europe. Le Canada, qui avait déjà enduré pendant quatre ans les rigueurs de la guerre, a ployé encore un peu plus sous la pression du virus meurtrier. La population a porté des masques pour limiter son exposition aux microbes aéroportés, les réunions publiques ont été annulées et les édifices publics, fermés. Les soins médicaux étaient très demandé et les travailleurs de la santé avaient désespérément besoin de nouvelles façons de soigner les malades. Même si les effets de la grippe se sont fait le plus sentir entre 1918 et 1919, la grippe a continué de se propager et de faire d'autres victimes bien après le début des années 1920.
Bibliothèque et Archives Canada, RPA-025025.
Hommes portant des masques durant l'épidémie de grippe espagnole, à l'automne 1918
Le port de masques chirurgicaux dans les lieux publics est devenu monnaie courante, car la population craignait un tueur qu'elle ne pouvait voir.
Bibliothèque et Archives Canada. Photographe : O.S. Finnie. PA-100229
Sépulture indienne aux plaines Windiandy, rivière Muskeg (Alberta) : Une victime de la grippe de l’automne 1918
The influenza virus was just as effective as the soldier’s bullet in killing without discrimination. Although less virulent, the epidemic continued into the 1920s killing eventually over 50,000 Canadians.Le virus de la grippe tuait sans discrimination avec autant d’efficacité que les balles tirées par les soldats. Bien qu’avec moins de virulence, l’épidémie a duré jusque dans les années 1920 et causé la mort de plus de 50 000 Canadiens.
Bibliothèque et Archives Canada. RG 13, série A-2, vol. 229, dossier 1918-2577
Lettre du Dr T. Rogers, de Rosedale (Nouvelle-Écosse), à sir Robert Borden, 30 novembre 1918
Au Canada, depuis le début du dix-neuvième siècle, les membres des mouvements de tempérance dénonçaient les méfaits de l’alcool et réclamaient avec véhémence la prohibition de cette substance. Le 1er avril 1918, le gouvernement du Dominion a adopté une loi interdisant l’usage de l’alcool au Canada, sauf à des fins médicales. Aux prises avec les pénibles symptômes causés par l’épidémie de grippe, les médecins cherchaient les meilleurs remèdes possible. Dans cette lettre, un médecin de campagne néo-écossais prie le gouvernement du Dominion de l’aider à trouver du vin et du scotch (whisky écossais) pouvant être administrés légalement.
Bibliothèque et Archives Canada. RG 13, série A-2, vol. 228, dossier 1918-2233
Lettre de George Foster, premier ministre par intérim, au sous-ministre de la Justice, 12 octobre 1918
Le nombre élevé de Canadiens malades de la grippe a mis à rude épreuve les services de santé existants qui étaient déjà débordés. L’idée que les femmes avaient une disposition innée à prendre soin des autres était répandue et leurs gestes de compassion étaient perçus comme contrastant vivement avec la violence et la destruction vécues par les fils du Canada. La lettre de George Foster, dans laquelle il demande tout type d’aide de la part de femmes (expérimentées ou non) désireuses de prendre soin des victimes de la grippe, témoigne de cette attitude.