Les mots « service de guerre » font d'abord penser surtout au rôle terrible et dangereux du soldat. Plus de 600 000 Canadiens de tous les milieux se sont enrôlés. Les nombreuses histoires à découvrir dans les collections de Bibliothèque et Archives Canada diffèrent autant les unes des autres que les gens qui se sont engagés dans les forces canadiennes. Beaucoup de Canadiens d'origine britannique ont sauté sur l'occasion de servir Dieu, le Roi et l'Empire. Bien qu'officiellement on ait craint d'accepter dans les forces canadiennes des soldats qui n'avaient pas de racines en Europe de l'Ouest, des hommes originaires des Indes orientales, d'Afrique et d'Amérique du Sud ont servi, eux aussi. N'oublions pas non plus le rôle important que les volontaires autochtones canadiens, qui se sont joints aux contingents à destination d'outre-mer, ont joué durant le Première Guerre mondiale. Leurs histoires, et celles de beaucoup d'autres, attendent que vous les découvriez!
Comme en témoignent les précieuses contributions des Canadiennes, aller se battre n'était pas la seule manière dont les Canadiens pouvaient servir. Dans une société qui connaissait peu jusque là les ravages de la guerre, la Première Guerre mondiale semblait une aventure pour la jeunesse canadienne. Des jeunes se sont enrôlés dans les forces canadiennes, tandis que beaucoup d'autres ont fait leur part dans des fermes et des usines au Canada, ou ont participé à des programmes gérés par le YMCA ou les Boy Scouts du Canada.
Le Canada était un endroit idéal pour produire des articles nécessaires à l'effort de guerre et entraîner des militaires. Notre pays étant séparé par un océan des champs de bataille d'Europe, ces articles -- qui allaient des obus aux couvertures -- pouvaient être fabriqués relativement en sûreté. De plus, des hommes des quatre coins du monde sont venus au Canada pour s'initier aux divers arts de la guerre. Peut-être que l'un des programmes les plus intéressants offerts au Canada était celui de la guerre aérienne. Dans les écoles d'instruction aérienne impériales, de jeunes hommes ont appris la nouvelle science de la navigation aérienne au moyen d'avions. Quelques privilégiés ont donc vécu le conflit européen dans les cieux et non dans les tranchées.
La crise provoquée au Canada par la question du service militaire obligatoire, appelé aussi conscription, montre que les Canadiens n'appuyaient pas tous l'effort de guerre. Ceux qui ne voulaient pas se battre étaient habituellement considérés comme paresseux ou manquant de patriotisme. Des citoyens canadiens ont même été emprisonnés parce que tuer était contraire à leurs convictions personnelles ou religieuses. Il va sans dire que les soldats canadiens qui ont connu les horreurs de la Première Guerre mondiale ont fait preuve d'un courage incroyable. Cependant, il fallait aussi beaucoup de courage pour défendre ses principes quand on savait que, à cause de leur impopularité, on risquait d'être ridiculisé, maltraité et peut-être même emprisonné.
Comme vous le voyez, les Canadiens ont servi de bien des façons. Maintenant, c'est à votre tour de vous renseigner davantage sur n'importe lequel des sujets ci-dessus ou de faire des recherches sur un sujet que vous aurez choisi vous-même.
Les Canadiens autochtones et la Grande Guerre
Le premier Indien de sang pur à s'enrôler. Le sujet de cette photo est, selon la légende de celle-ci, le premier Indien de sang pur à s'être enrôlé. Cependant, on n'a indiqué ni son nom ni son régiment. Cette photo fait partie de la collection de photos officielles de la Première Guerre mondiale du ministère de la Défense nationale (versement 1964-114). Bibliothèque et Archives Canada, PA-007378
Durant la Première Guerre mondiale, selon la politique officielle du gouvernement du Dominion, les Canadiens autochtones ne devaient pas participer au conflit. À cette époque-là, les membres des Premières nations n'avaient pas le droit de voter et étaient considérés comme des pupilles de l'État en vertu de traités et de la Loi sur les Indiens. Des fonctionnaires soutenaient que, puisque les Canadiens autochtones n'avaient pas tous les droits des citoyens, il ne fallait pas s'attendre à ce qu'ils s'acquittent des obligations imposées à ces derniers. On faisait aussi observer que, dans de nombreux traités conclus avec les Premières nations, il était stipulé que les membres des bandes seraient exemptés de tout service militaire. En outre, certains Canadiens aux opinions racistes et mal informées croyaient que les Indiens seraient incapables de s'adapter à la vie des bataillons, qui étaient surtout composés de Blancs.
Malgré la politique officielle du gouvernement du Dominion et l'attitude raciste de certains Canadiens, des guerriers des Premières nations du Canada ont pris part à la Première Guerre mondiale. L'auteur, poète et surintendant général adjoint des Affaires indiennes Duncan Campbell Scott a fait observer que plus de 3 500 Indiens s'étaient engagés dans le Corps expéditionnaire canadien, ce qui représentait environ 35 p. 100 de la population autochtone masculine en âge de servir. De plus, compte tenu de leurs revenus relativement limités à l'époque, les Canadiens autochtones ont versé des sommes importantes, totalisant près de 45 000 $, dans les divers fonds de secours et d'aide créés pour la guerre.
Puisque tous les soldats autochtones étaient des volontaires, on n'a pas tenté, au début, de former des unités composées exclusivement d'autochtones. Cependant, avec le temps, l'idée de constituer des unités autochtones s'est implantée. Le 114e Bataillon, par exemple, a levé deux compagnies totalement autochtones. Cependant, tout comme beaucoup d'autres bataillons canadiens, le 114e a été démantelé en Angleterre et ses hommes ont été répartis dans d'autres unités. Parmi les autochtones qui se sont enrôlés, il y avait des gens de tous horizons, allant de fermiers et d'hommes de métier à des vedettes, telles que le coureur de calibre olympique Thomas Longboat. Le lieutenant Cameron D. Brant, qui a perdu la vie en menant une attaque lors de la seconde bataille d'Ypres, est un autre soldat autochtone canadien digne de mention. Il n'est pas le seul membre de sa famille à s'être illustré dans l'armée, car il était l'arrière-arrière-petit-fils du soldat loyaliste mohawk Joseph Brant.
Après la guerre, un régime de prêts a été établi pour les anciens combattants autochtones, ou leurs veuves, afin qu'ils puissent acquérir de nouvelles terres agricoles ou améliorer les fermes existantes.
Bibliothèque et Archives Canada, RG 150, versement 1992-1993/166, boîte 5730-27, no 862805, Thomas Longboat
La feuille d’engagement de Thomas Longboat
Thomas « Tom » Longboat, des Six Nations de Brant County, était un champion de course de renommée internationale. Durant la Première Guerre mondiale, on a fait appel à ses talents d’athlète en lui faisant porter des messages dans les tranchées. Les feuilles d’engagement telles que celle de Tom Longboat sont d’excellentes sources de renseignements généalogiques, car on y trouve de l’information sur la naissance, le métier, l’apparence et le plus proche parent des recrues.
Bibliothèque et Archives Canada. MG 30 E 43. Avec la permission de la Municipalité de Brant County, Ontario
Lettre de divers employés de Brant County (Ontario) aux chefs du Conseil des Six Nations, 1er mai 1915
Dans cette lettre, les autorités municipales, militaires et religieuses de Brant County remercient le peuple des Six Nations des contributions non seulement du lieutenant Cameron D. Brant, qui est mort à la seconde bataille d’Ypres, mais aussi de tous les Canadiens autochtones qui se sont battus pour le Canada.
Bibliothèque et Archives Canada, RG 10, série C-V-8, vol. 11154, dossier 34
Note de service de Duncan Campbell Scott, surintendant général adjoint des Affaires indiennes, concernant des prêts de règlement des terres indiennes, 6 mai 1919
Dans ce document, Duncan Campbell Scott expose la politique du ministère des Affaires indiennes concernant l’octroi de prêts aux anciens combattants autochtones de la Grande Guerre ou à leurs veuves pour l’achat ou l’amélioration de terres agricoles.
Les contributions de la jeunesse canadienne
Le brigadier-général E.A. Cruickshank passant en revue de jeunes cadets, Calgary (Alberta), 1915. Ces « jeunes cadets » sont, en fait, des scouts qu’Ernest A. Cruickshank, soldat, archiviste et historien, passe en revue. Lorsqu’Ernest Cruickshank était posté à Calgary, il a été nommé directeur du nouveau mouvement scout dans l’Ouest canadien. Bibliothèque et Archives Canada, Photographe : McDermid Drug Co. Ltd. PA-147490
La Grande Guerre a été une époque de sentiments contradictoires intenses pour les jeunes Canadiens. Le bouleversement des habitudes quotidiennes et la nouveauté de la guerre remplissaient la vie des jeunes de plaisir et d'aventures. Par ailleurs, les horreurs de la guerre et les restrictions à la liberté qui ont suivi se sont soldées par d'immenses sacrifices et de grandes douleurs. Ce sont les jeunes Canadiens, pleins d'idéaux impérialistes concernant la guerre et l'honneur, qui se sont inscrits au Collège militaire royal du Canada, se sont enrôlés dans les forces actives, ont été blessés et ont fait le sacrifice ultime.
Les jeunes Canadiens ont aussi servi au front intérieur. Des filles et des garçons ont été appelés à faire de tout, depuis le travail en usine jusqu'aux travaux agricoles, pour contribuer à la production en temps de guerre. Des organisations nationales volontaires, telles que le YMCA, ont aidé à financer et faciliter des projets, par exemple le Farm Service Corps, qui fournissait aux jeunes des emplois rémunérés. Il existe des écrits, tels que des extraits du journal de Lois Allan, qui nous renseignent sur la manière dont les jeunes Canadiens mêlaient le plaisir au dur labeur qu'on exigeait d'eux. Les organisations pour jeunes, telles que les Boy Scouts du Canada, alliaient, elles aussi, de l'agrément au dur labeur et à la discipline. En participant à de nombreux projets d'assistance et de collecte de fonds, les scouts ont appris l'importance d'agir en citoyens responsables et d'être toujours prêts.
Bibliothèque et Archives Canada, Photographe : Henry Henderson. PA-203478
Portrait de William A. « Billy » Bishop lorsqu'il était cadet au Collège militaire royal à Kingston, v. 1914
William Avery Bishop, d'Owen Sound, est entré au Collège militaire royal en 1911, à l'âge de dix-sept ans. Bishop, qui ne faisait pas partie des meilleurs élèves, était au Collège depuis trois ans lorsque le Canada est entré en guerre. Il a quitté le Collège avant la fin de ses études et s'est enrôlé dans la cavalerie. plus tard, il s'est engagé dans le Royal Flying Corps, où il est éventuellement devenu célèbre en tant qu'as de l'aviation.
Bibliothèque et Archives Canada. Photographe : J.B. Dorion. PA-122937
Premières recrues de Metcalfe (Ontario), 1914
Cette photo témoigne de la jeunesse des membres du Corps expéditionnaire canadien durant la Première Guerre mondiale. De gauche à droite : les jeunes recrues Duff Crerar, Elmo Sully et Ross Campbell, tous du village de Metcalfe (Ontario).
Bibliothèque et Archives Canada. Photographe : Alf. Sherman. PA-003535
Canadien âgé de 17 ans, au poste d’évacuation sanitaire, blessé quinze minutes avant l’Armistice (11h00, le 11 novembre 1918)
Les postes d’évacuation sanitaire constituaient la seconde ligne de traitement médical sur le champ de bataille. Ils étaient situés assez loin du front pour être en sûreté, mais assez proches pour qu’on y transporte les blessés rapidement. Dans un tel poste, un blessé pouvait subir une intervention d’urgence ou être stabilisé en attendant de recevoir des soins en milieu hospitalier. L’homme photographié ici a été identifié comme étant le soldat Lawrence de Brantford (Ontario).
Bibliothèque et Archives Canada. C-033428
Le cornemuseux James Cleland Richardson, V.C., 16e Bataillon, CEC
Seulement trois autres récipiendaires canadiens de la Croix de Victoria étaient plus jeunes que James Cleland Richardson, qui est mort à l’âge de vingt ans, durant la bataille de la Somme. Selon les rapports officiels, lorsque James Richardson et ses camarades sont parvenus à une section de barbelés particulièrement bien défendue par les Allemands, sans hésiter, le cornemuseux s’est mis à la longer à grands pas en jouant très fort. Son geste sous le feu ennemi a incité ses compagnons à prendre cette position d’assaut. Après la bataille, alors qu’il aidait à transporter les blessés, James Richardson est retourné chercher sa cornemuse et n’est jamais revenu.
Bibliothèque et Archives Canada. Photographe : W.J. Topley Studio. PA-042857
Groupe devant le siège du Patriotic Relief Fund, Ottawa (Ontario), septembre 1914
Les scouts étaient très actifs au sein de leurs collectivités et se sont avérés des solliciteurs efficaces d’aide financière pour la Grande Guerre. Ici, un groupe de scouts posent pour le photographe devant le siège du Patriotic Relief Fund, à Ottawa.
Bibliothèque et Archives Canada. MG 28 I 95, vol. 199. Publié avec la permission du YMCA du Canada
Extrait du rapport de la seconde assemblée des YMCA du Canada concernant le département du travail des garçons
La Young Men’s Christian Association (YMCA) du Canada a joué un rôle prédominant dans l’organisation d’activités productives pour les jeunes Canadiens durant la Grande Guerre. Cet extrait concernant le département du travail des garçons (Boys’ Work Department) est tiré du rapport de la seconde assemblée des YMCA du Canada (Report of the Second Convention of YMCAs of Canada), qui s’est déroulée à Ottawa en novembre 1917. Les collections de photos, de films et de pièces documentaires du YMCA et du YWCA sont conservées à Bibliothèque et Archives Canada.
L'entraînement de Canadiens et d'étrangers au Canada : les écoles d'instruction aérienne impériales
École d’aviation : enseignement magistral et vol d’essai, immeuble de l’Université, Toronto. Les élèves qui apprenaient à voler au Canada devaient suivre une combinaison bien précise de cours théoriques et pratiques. Les écoles d’instruction aérienne du Canada ont produit beaucoup de pilotes qui sont devenus célèbres en tant qu’as de l’aviation de la Première Guerre mondiale. Cependant, le Canada a aussi compté dans ses rangs des innovateurs en aviation tels que J.A.D. McCurdy et Wallace Turnbull. Bibliothèque et Archives Canada, C-020396
Au début de 1915, le War Office et l'Admiralty de Grande-Bretagne ont permis l'enrôlement de Canadiens dans le Royal Flying Corps (RFC) et le Royal Naval Air Service (RNAS) respectivement. Le centre du commandement de l'Empire britannique s'est vite rendu compte de l'importance de l'avion pour la reconnaissance aérienne.
Cependant, le gouvernement du Canada n'était pas aussi réceptif à l'idée d'un corps d'aviation canadien, et c'est en grande partie grâce aux efforts de quelques personnes dynamiques et débrouillardes qu'on a pu commencer à former des pilotes au Canada.
En 1915, J.A.D. McCurdy -- qui a piloté le Silver Dart pour le premier vol propulsé contrôlé au Canada -- a ouvert une école d'aviation à Toronto avec l'aide de l'aviateur américain Glenn Curtiss. Dans cette école, des élèves des quatre coins du monde ont obtenu des certificats de vol qui leur ont permis de continuer à servir dans le RFC et le RNAS.
Pendant les deux années d'existence de cette école, plus de 130 pilotes, dont Raymond Callishaw, Robert Leckie et A.B. Shearer, y ont acquis leurs titres de compétences. Par ailleurs, à cette époque-là, le lieutenant-colonel William Hamilton Merritt a parcouru de façon autonome le pays tout entier pour faire valoir l'idée d'ouvrir une série d'écoles d'instruction aérienne au Canada.
Le gouvernement du Dominion a continué à refuser d'approuver officiellement ce projet; cependant, le lieutenant-colonel Merritt a pu sensibiliser un grand nombre de gens à cette question et recueillir plus de 200 000 $ en dons de Canadiens intéressés.
Dès la fin de 1916, un projet d'établissement, à Camp Borden (Ontario), d'une école de pilotage du Royal Flying Corps, entièrement financée par le gouvernement impérial britannique, était en voie de réalisation. Au printemps 1917, le premier aérodrome canadien a ouvert à Camp Borden et, peu de temps après, l'entraînement de divers escadrons a débuté à Long Branch, à Leaside et à Armour Heights, près de Toronto, ainsi qu'à Rathbun et à Mohawk, près de Deseronto (Ontario).
À cause des inquiétudes suscitées par les rigueurs de l'hiver canadien et par suite de l'entrée en scène des États-Unis dans le conflit, on a établi à Fort Worth (Texas) une école de pilotage affiliée, où de nombreux élèves se sont rendus à l'automne 1917. Les divers centres d'entraînement canadiens fonctionnaient à plein rendement dès le printemps 1918; ce qu'on y enseignait allait des rudiments de la navigation aérienne et de la reconnaissance au nouvel art du combat aérien. Bien que financées par le gouvernement impérial, les opérations du Royal Flying Corps et de toutes les sections du ministère de l'Aviation au Canada représentent une réussite canadienne, car elles étaient totalement exécutées et coordonnées par des Canadiens.
Bibliothèque et Archives Canada détienne de nombreuses collections portant sur l'entraînement et les exploits des aviateurs du Canada durant la Première Guerre mondiale.
Bibliothèque et Archives Canada. RG 38, series D-9, vol. 437, file M-25-11
Affiche de recrutement de guerriers aériens
Bien que non autorisé officiellement par le gouvernement du Dominion, le recrutement de pilotes pour le Royal Flying Corps impérial a débuté au Canada en 1915. Le Royal Flying Corps offrait une attrayante solution de rechange aux formes traditionnelles d’attirail de guerre. Avant la Grande Guerre, ceux qui maîtrisaient la nouvelle technologie de l’avion étaient perçus comme jeunes, audacieux et intrépides. C’était exactement le type d’hommes de 18 à 30 ans que le RFC voulait pour constituer son corps de guerriers aériens.
Bibliothèque et Archives Canada. C-024435
Avion Curtiss JN-4 C332 du RFC (Royal Flying Corps) Canada, Camp Borden (Ontario) v. 1917
À l’école canadienne du Royal Flying Corps, on apprenait les rudiments de la navigation aérienne dans des avions tels que le Curtiss JN-4. Parce que celui-ci était fait d’une ossature en bois, de toile et de fil de fer, il était assez léger pour que son moteur lui donne une portance et une manœuvrabilité suffisantes. Malheureusement, ces mêmes matériaux des prémiers avions n’offraient pas beaucoup de protection contre les éléments et les balles allemandes.
Ceux qui ont choisi de ne pas se battre : Les objecteurs de conscience
Vos copains se battent. Pourquoi ne vous joignez-vous pas à eux? Ceux qui n'étaient pas pressés de se battre lors de la première Guerre mondiale voyaient leur loyauté, leur moralité et leur masculinité mises en question. Les affiches de recrutement telles que celle-ci exploitaient l'attitude négative des Canadiens envers ceux qui ne répondaient pas à l'appel au combat. Bibliothèque et Archives Canada, Artiste : C.J. Patterson [?],C-029484
La peur et la méfiance que les immigrants et les idées étrangères inspiraient dans notre pays sont un aspect de la Grande Guerre que les Canadiens d'aujourd'hui peuvent avoir de la difficulté à comprendre. Entre la fin des années 1890 et la première décennie du vingtième siècle, la population du Canada avait subi une transformation incroyable. Le gouvernement de sir Wilfrid Laurier avait favorisé ouvertement l'immigration d'Européens au Canada pour la colonisation du « dernier front pionnier de l'Ouest ». Durant cette période, plus d'un million de gens étaient venus au Canada, ce qui avait créé chez nous une pluralité sans précédent de religions, de langues et de races. Dans un pays où, pendant près d'un siècle, la population avait surtout été composée de gens d'origine britannique ou française, certains avaient du mal à accepter cette évolution démographique.
La crainte de l'ennemi parmi nous s'est manifestée dans la société canadienne dès l'éclatement de la guerre avec l'Allemagne. Le gouvernement du Dominion a restreint les mouvements de tous les immigrants allemands et austro-hongrois au moyen de laissez-passer spéciaux, que les détenteurs devaient toujours avoir sur eux et qui mentionnaient l'origine ethnique de ces derniers. Ces « étrangers » d'origine allemande ou austro-hongroise devaient se présenter périodiquement à la police et risquaient l'emprisonnement s'ils ne le faisaient pas ou qu'ils semblaient favorables aux activités de l'ennemi. On a établi un peu partout au Canada des camps d'internement, où plus de 83 000 personnes ont été détenues durant la guerre.
Cependant, ceux qui choisissaient de ne pas se battre suscitaient des sentiments de haine encore plus forts que les étrangers au Canada. Le pacifisme, qui était socialement acceptable chez les femmes telles que Julia Grace Wales, n'était pas une doctrine respectable pour les hommes. Ceux qui ne voulaient pas se battre étaient perçus comme des alliés des Allemands ou comme des lâches. Les mœurs non violentes de certains groupes religieux, tels que les Mennonites, étaient bien connues et, conformément aux conditions de leur immigration, ils étaient exemptés du service militaire. Cependant, les objecteurs de conscience qui ne faisaient pas partie de ces groupes et refusaient de faire du service non volontaire s'exposaient au ridicule et peut-être même à l'emprisonnement. Certains pacifistes ont vaillamment servi comme brancardiers ou joué d'autres rôles non offensifs dans la guerre. D'autres objecteurs de conscience ont refusé catégoriquement de faire du service obligatoire et ont été emprisonnés. À la fin de la guerre, 34 hommes étaient encore détenus dans diverses prisons canadiennes à cause de leurs principes de non-violence.
Bibliothèque et Archives Canada, RG 13, série A-2, vol. 225, dossier 1918-1582
Lettre de J.H. Rivers, directeur de la prison provinciale de Lethbridge, au sous-ministre de la Justice, 6 juillet 1918
Bien que beaucoup de Canadiens n’aient pas eu une opinion aussi extrême des objecteurs de conscience que ce directeur de prison, les stéréotypes exprimés dans cette lettre n’auraient pas été rares à l’époque. Le dernier paragraphe manuscrit est peut-être le plus éloquent, car le directeur demande que l’on retire les objecteurs de conscience de son établissement et que le gouvernement du Dominion empêche d’autres gens de cette sorte d’entrer dans une prison respectable.
Bibliothèque et Archives Canada. RG 13, série A-2, vol. 225, dossier 1918-1582
Note de service de W.S. Hughes, surintendant des Pénitenciers, au sous-ministre de la Justice, 2 mai 1919
Six mois après la fin de la Grande Guerre, 34 citoyens étaient encore en prison parce qu’ils avaient refusé de faire du service militaire vu qu’ils étaient des objecteurs de conscience.