Le major Vanier, 22e Bataillon, juin 1918
À l'époque de cette photo, le bataillon de Vanier se trouve au sud d'Arras, dans un secteur relativement épargné par les offensives allemandes du printemps. Bibliothèque et Archives Canada, PA-002777
Les cent derniers jours de la guerre
Enrôlé comme officier dès 1914, Georges Philéas Vanier joignit en 1915 les rangs du 22e Bataillon. Même si son avancement ne fut pas fulgurant, il gravit les échelons, méritant le long de son parcours des décorations pour sa bravoure. Il commanda même brièvement le bataillon. Après la guerre, Vanier poursuivit une brillante carrière militaire et diplomatique dont le point culminant fut sans contredit sa nomination, en 1959, au poste de gouverneur général. Second Canadien et premier de langue française dans cette fonction, il l'occupa jusqu'à son décès en 1967.
Ordre du service distingué
Instituée en 1886 et attribuée pour actes de bravoure posés par des officiers, cette décoration avait préséance sur la Croix militaire. Celle qui est illustrée ici fut décernée à Vanier. Bibliothèque et Archives Canada, C-044876
Vanier vécut avec le Corps canadien cette période pendant laquelle, après l'échec de l'offensive allemande du printemps 1918, les alliés reprirent l'initiative et remportèrent, contre toute attente, un succès brillant dès l'assaut initial porté à l'est d'Amiens le 8 août. La campagne qui s'ensuivit allait inspirer nombre d'actes héroïques et précipiter la défaite allemande, mais ce, au prix de pertes cruelles dans les armées en présence. Le bataillon de Vanier, par exemple, fut décimé lors de la prise de Chérisy à la fin août et pendant les contre-attaques qui suivirent. Vanier lui-même, remplaçant le lieutenant-colonel Dubuc blessé le premier jour, fut mis hors de combat le lendemain et subséquemment amputé de la jambe droite.
Bibliothèque et Archives Canada a le privilège de posséder des sources permettant de mieux connaître cette période que la postérité a nommé les Cent derniers jours. Parmi ces sources, on compte le journal personnel qu'a tenu Vanier au cours de la guerre. Les journaux personnels complètent l'information plutôt sèche et anonyme des journaux de campagne, comptes rendus officiels essentiels pour la compréhension des opérations.
Le journal de Georges P. Vanier
On connaît peu de journaux relatant les souvenirs de guerre de francophones ayant servi lors de le Première Guerre mondiale. Le journal de Georges Philéas Vanier est l'un des rares. Des sources de ce type donnent de la substance aux vicissitudes de la vie des tranchées d'une manière que ne sauraient le faire les incontournables, mais généralement anonymes, journaux de campagne.
Grâce au journal personnel de Vanier, on peut suivre le déroulement des premières semaines des combats qui, à partir du 8 août 1918 et malgré les difficultés et une résistance souvent opiniâtre, allaient éventuellement refouler les Allemands jusqu'aux frontières et les amener à capituler. Le journal permet aussi de mieux saisir le courage dont Vanier a fait preuve pour surmonter la perte et la douleur occasionnées par sa blessure subie le 28 août lors des combats autour du village de Chérisy, combats qui décimèrent le bataillon causant la perte de quelque 435 hommes et forçant l'inactivité de l'unité pendant plus de trois semaines, le temps de recevoir des renforts.
Bibliothèque et Archives Canada, PA-166146
Le major Georges P. Vanier en France, juin 1918
Georges Philéas Vanier avait fait présent de ce dessin, œuvre du peintre belge Alfred Bastien, à son père. Le Musée canadien de la guerre possède une quarantaine d'œuvres de cet artiste de guerre dont certaines représentent le 22e Bataillon.
Bibliothèque et Archives Canada. MG32-A2, vol. 93, dossier Journal 1918. Avec la permission de Madame Thérèse Vanier.
Extraits du journal personnel de Georges P. Vanier
Quelques extraits illustrant certaines phases des Cent derniers jours et de sa convalescence.
Bibliothèque et Archives Canada, PA-003016
Voitures blindées canadiennes entrant en action, 9 août 1918
L'utilisation de ces véhicules illustre le caractère plus mobile qu'a pris la guerre à cette période. Le succès des troupes alliées dans les premiers jours de la bataille d'Amiens a amené le maréchal allemand Ludendorff à y voir le point de non-retour pour ses armées.
Bibliothèque et Archives Canada, PA-002925
Soldats canadiens avançant : Troupes françaises à l'avant-plan, août 1918
Le flanc droit des Canadiens était occupé par les troupes du 31e Corps d'armée français.
Bibliothèque et Archives Canada, PA-040190
Ambulance de campagne canadienne près du front, très occupée, août 1918
Ce panorama montre bien l'activité régnant dans une unité médicale mobile. Le terme « ambulance » désigne un centre de premiers soins autant que le véhicule destiné à transporter les malades et les blessés.
Les journaux de campagne
Les unités et formations canadiennes servant au front devaient tenir un journal des événements quotidiens. Bibliothèque et Archives Canada possède cette riche mine de renseignements et, bien que quelques journaux aient disparu, l'ensemble la collection est microfilmée et répertoriée dans une base de données disponible en ligne.
Les journaux de campagne sont d'une extrême variété, certains sont laconiques à l'extrême et d'autres regorgent de détails de toute nature. Dans tous les cas, toutefois, ils s'intéressent aux actions de l'unité dans son ensemble. Les individus, sauf parfois les officiers, y sont rarement nommés. Par conséquent, le chercheur intéressé à retracer les allées et venues d'un soldat précis, ses promotions, punitions, blessures ou maladies et qui ne dispose pas de journaux ou de correspondance personnels, doit consulter le dossier militaire du soldat. On dresse un meilleur portrait en recoupant les deux sources.
Les cent derniers jours de la guerre sont décrits dans les journaux de 48 unités d'infanterie, ceux des quartiers généraux, des unités médicales, d'artillerie, de génie, de mitrailleurs, de foresterie, d'intendance, d'ordonnance ou de services divers. Y seront décrits les batailles d'Amiens, d'Arras, de la ligne Hindenburg, de Valenciennes, la capture de Mons et même, au-delà de l'Armistice, l'occupation de têtes de pont en Allemagne. Nombre d'appendices - ordres, rapports, résumés d'opérations, croquis ou même documents capturés - complètent les renseignements.
Bibliothèque et Archives Canada, PA-003377
Premier peloton à pénétrer dans Valenciennes du côté ouest, ruée vers le Canal, novembre 1918
La prise de Valenciennes, les 1er et 2 novembre, par la 4e Division fut la dernière opération majeure menée par les Canadiens durant la guerre.
Bibliothèque et Archives Canada. RG9 III-D-3, vol. 4931, bobine T-10732
Journal de campagne du 22e Bataillon, août à novembre 1918
Pendant toute la durée de la guerre, les documents officiels touchant le 22e Bataillon, sauf exception qui reste à confirmer, sont rédigés en anglais seulement. Le journal de campagne, à l'instar de certains autres, est très pauvre en détails.
Bibliothèque et Archives Canada, RG9 III-D-3, vol. 4943, bobine T-10751
Journal de campagne du 75e Bataillon, août 1918
Le rédacteur de ce journal a inclus plusieurs détails anecdotiques qui rendent le tableau plus humain. D'autres journaux comprennent des appendices fort variés.
Bibliothèque et Archives Canada, RG9 III-D-3, vol. 4949, dossier 472, bobine T-10759
Rapport d'observations, 18 septembre 1918
Exemple du type de documents que l'on trouve en annexe d'un journal de campagne. Ce rapport provenant du 4e C.M.R. donne un aperçu du genre d'activité de l'ennemi durant cette période.
Bibliothèque et Archives Canada, RG9 III-D-3, vol. 4949, dossier 472, bobine T-10759
Croquis des clochers d'églises de la région de Cambrai, 1918
Comme les avancées pouvaient être rapides, les risques de s'égarer s'accroissaient. Chaque homme devait pouvoir se repérer rapidement. Cet ensemble de dessins de clochers (susceptibles d'être rencontrés au cours des opérations du 27 septembre au 11 octobre 1918) ne pouvait bien sûr être utile que si l'artillerie les avait épargnés.
Bibliothèque et Archives Canada, RG9 III-D-3, vol. 4949, dossier 472, bobine T-10759
Avis de la kommandantur de Valenciennes, octobre 1914
Cet avis, qui fait partie d'une série de documents semblables capturés par le 4e C.M.R., suggère que des réquisitions avaient été effectuées sans autorisation au début de l'occupation allemande.
Bibliothèque et Archives Canada, PA-002860
Bivouac du 22e Bataillon, bataille d'Amiens, août 1918
Peu avant l'entrée en action du bataillon, les hommes se reposent près de leurs abris de fortune disposés néanmoins en bon ordre.
Bibliothèque et Archives Canada, PA-002971
Petite partie de cartes tranquille, août 1918
Le calme apparent de cette scène trahit le fait que la campagne finale fut extrêmement meurtrière. La bataille d'Amiens, par exemple, causa la perte de près de 12 000 hommes en 13 jours et la capture de Chérisy en fit près de 5 750 en trois jours (peut-être les plus meurtriers de la guerre pour le Canada). À titre de comparaison : on compte environ 10 500 morts et blessés en 6 jours à Vimy; environ 24 000 en deux mois sur la Somme en 1916; environ 15 500 à Passchendaele de la mi-octobre à la mi-novembre en 1917; et près de 6 700 devant Ypres du 15 avril au 3 mai 1915.
Bibliothèque et Archives Canada, PA-040187
Soldats allemands capturés par les Canadiens, août 1918
L'avancée rapide des alliés a permis la capture de nombreux soldats ennemis.
Bibliothèque et Archives Canada, PA-002926
Soldats canadiens se retranchant en attendant que la deuxième vague les double, août 1918
La guerre de mouvement, si l'on considère bien entendu l'immobilisme des quatre années précédentes, change le paysage. Les véhicules motorisés prennent une place de plus en plus importante et les zones des combats s'espacent, séparées par des zones relativement intactes.
Bibliothèque et Archives Canada, PA-003247
Scène occupée sur le front canadien durant l'attaque sur Cambrai, avancée à l'est d'Arras, septembre 1918
Fouillis de blessés et de prisonniers conduits vers l'arrière, de convois de renforts ou de munitions gagnant l'avant, le sol jonché de matériel abandonné.
Bibliothèque et Archives Canada, PA-003145
Soldats canadiens franchissant le barrage allemand, avancée à l'est d'Arras, 1918
Cette photo donne plus authentiquement l'impression d'avoir été prise sous le feu ennemi, quoique les soldats, portant l'arme en bandoulière, ne semblent pas particulièrement s'attendre à rencontrer une résistance immédiate.
Croix de Victoria
Croix de Victoria. The award bears the recipient's name. La décoration est identifiée au nom de son récipiendaire. Bibliothèque et Archives Canada
C-044878
Cette décoration, décernée pour bravoure à des hommes gradés ou non, est la plus prestigieuse parmi celles de l'Empire britannique. Elle a été instituée en 1856 lors de la guerre de Crimée et elle est faite du métal des canons pris aux Russes. En tout, 94 soldats canadiens se la sont méritée dont 70 au cours de la Première Guerre mondiale. Deux sont allées à des congénères de Vanier au sein du 22e Bataillon, toutes deux pendant les derniers mois de la guerre.
Durant la nuit du 8 au 9 juin 1918, alors que le Corps canadien se trouvait dans un secteur relativement tranquille, les Allemands lancèrent un raid en trois endroits de la ligne défendue par le 22e Bataillon. Le caporal Joseph Kaeble arrêta l'avancée de l'ennemi malgré des blessures dont il mourut le lendemain. Kaeble reçut à titre posthume la Médaille militaire et la Croix de Victoria, la première de trois décernée à des Canadiens de langue française. Les deux autres récipiendaires furent le lieutenant Jean Brillant et le capitaine Paul Triquet (ce dernier fut décoré lors de la Seconde Guerre mondiale).
Le lieutenant Jean Brillant s'était déjà mérité la Croix militaire pour son comportement lors d'un raid effectué durant la nuit du 27 au 28 mai 1918. Le 8 août suivant, Brillant prit part à l'assaut initial à l'est d'Amiens. Il n'eut pas la satisfaction de voir la campagne couronnée de succès. Blessé le 8, puis encore le lendemain, Brillant refusa l'évacuation et continua de mener ses hommes jusqu'à ce qu'une troisième blessure le mette hors de combat. Même s'il mourut le lendemain, son exemple porta ses fruits et l'assaut marqua un revirement dans les infortunes de la guerre. Il reçut à titre posthume la Croix de Victoria le 27 septembre 1918.
Armistice
Essoufflée et vaincue, en proie à l'agitation sociale, mais pas encore écrasée du point de vue militaire, l'Allemagne fut la dernière des puissances centrales à demander et à obtenir l'armistice. La paix, conclue au Traité de Versailles en 1919, lui imposa des conditions humiliantes et fut indirectement l'une des causes du conflit qui, une génération plus tard, allait s'avérer encore plus dévastateur.
Les derniers jours de la guerre virent des opérations relativement mineures dont la dernière fut l'entrée dans la ville de Mons à la frontière Belgo-française. Le 11 novembre au matin, peu avant que la signature de l'armistice ne fut connue et annoncée, les Canadiens libéraient la ville de Mons au prix de quelques pertes.
Les Canadiens devaient pourtant encore s'acquitter d'une tâche avant d'entreprendre le retour au pays et à la vie civile. Les 1re et 2e divisions canadiennes étaient appelées à occuper, à Cologne et à Bonn respectivement, des têtes de ponts sur le Rhin. Des troupes canadiennes occupèrent donc une petite partie de l'Allemagne de décembre 1918 à janvier 1919.
Bibliothèque et Archives Canada, PA-003377
Le lieutenant Jean Brillant
Le deuxième de trois Canadiens d'expression française à mériter la Croix de Victoria. Curieusement, les deux autres sont, comme lui, originaires du Bas-du-Fleuve.
Bibliothèque et Archives Canada. PA-003547
Soldats canadiens défilant dans les rues de Mons, le matin du 11 novembre 1918
Soldats et civils manifestant la libération de la ville le matin même de l'annonce de la signature d'un armistice mettant fin aux opérations militaires.
Bibliothèque et Archives Canada, PA-003778
Le 22e Bataillon passant le Rhin à Bonn, décembre 1918
Les deux plus anciennes divisions canadiennes furent choisies pour garder des têtes de pont en Allemagne. Le 22e demeura en Allemagne du 5 décembre 1918 au 24 janvier 1919.