« Le Canadian Illustrated News et la guerre franco-allemande (de juillet 1870 à février 1871) » - Canadian Illustrated News, 1869-1883

par Sean Sullivan

Table des matières

Introduction

Il semble que, de nos jours, la politique à l'échelle mondiale soit motivée par des principes minables, sans scrupules et abjects à un point tel qu'ils dépassent ceux qui avaient déjà si mal orienté les affaires de l'humanité durant les jours sombres qui ont marqué l'histoire. À quel moment la déesse de la sagesse reprendra-t-elle son « trône » 1? (trad.)

Tiré du magazine Canadian Illustrated News, le 3 décembre 1870

En juillet 1870, la guerre éclate entre la Prusse et la France. Bien que cette guerre ait été relativement de courte durée, l'Occident surveillait les événements avec une curiosité morbide, craignant que le conflit ne dégénère en une guerre s'étendant à toute l'Europe. La guerre franco-allemande a redéfini les manières de livrer bataille et a eu de sérieuses répercussions politiques qui ont préparé la voie à la Première Guerre mondiale.

Le magazine Canadian Illustrated News (ou le News) a accordé beaucoup de place aux reportages décrivant les événements de cette guerre. Aussi étonnant que cela puisse paraître, et malgré le fait qu'un océan nous séparait de ce conflit, le News a été en mesure d'informer ses lecteurs en leur fournissant des renseignements relativement récents et précis. Un autre fait tout aussi frappant est la capacité de ce magazine à fournir des analyses pertinentes sur l'évolution de la conduite de la guerre. Jamais le News dans ses images et ses articles n'a glorifié la guerre ni diffamé les combattants des deux camps. À cette époque, la couverture que faisait le journal de la guerre démontrait aux lecteurs, bien involontairement, que ce conflit de courte durée donnait au monde entier un aperçu de l'avenir.

Aperçu de la guerre franco-allemande

Après avoir remporté une étonnante victoire sur l'Autriche en 1866, la Prusse est devenue la puissance dominante de l'Europe centrale. Cet état de fait a alarmé de nombreuses nations européennes, surtout la France, qui craignait que ce revirement de situation ne bouleverse le fragile équilibre du pouvoir qui existait en Europe depuis les guerres napoléoniennes de 1815. Cette animosité n'était pas unilatérale; la Prusse avait, elle aussi, des griefs contre la France. En 1697, les Français avaient pris possession de la région frontalière de l'Alsace et, en 1766, ils dominaient toute la région avoisinant la Lorraine. Les Prussiens sont devenus très amers, car, pour eux, cette occupation signifiait le vol de deux provinces traditionnellement allemandes. Jusqu'au milieu des années 1860, les deux pays se sont surveillés de part et d'autre de leurs frontières respectives avec un sentiment mêlé de crainte et de ressentiment. Par conséquent, la moindre petite crise pouvait déclencher un conflit armé opposant ces deux nations.

En 1868, une révolution a laissé le trône d'Espagne vacant. Pour combler ce vide, le général Prim, chef dirigeant victorieux et rebelle, a choisi le prince Léopold, descendant direct du roi de Prusse, ce qui a rendu les Français furieux, y voyant là une preuve des tendances expansionnistes de la Prusse. Ils ont exigé du prince Léopold qu'il rejette l'offre de l'Espagne. Les Prussiens ont accepté cette demande, mais en raison des manipulations politiques du chancelier allemand Otto Von Bismarck, ils ont refusé de garantir le non-renouvellement de la candidature de Léopold au trône. Cette omission a fourni la motivation dont le gouvernement français avait besoin pour déclarer la guerre.

Le 15 juillet 1870, par le biais d'un télégramme, on décrétait une mobilisation dans toute la Prusse. Contrairement à la mobilisation allemande, celle des Français a été bloquée en raison de retards bureaucratiques qui les ont privés du temps capital dont ils avaient besoin pour attaquer avant que la Prusse soit complètement mobilisée. L'historien J. F. C. Fuller soutient que les Français, n'ayant pu attaquer les premiers, ont perdu leur unique espoir de remporter cette guerre2. Avant qu'ils entrent finalement en territoire allemand, le 1er août, les Prussiens les attendaient déjà à Saarbrücken.

Presque au début du conflit, l'armée française était sur la défensive. Elle a été repoussée à Saarbrücken et complètement écrasée au cours des batailles de Spicheren et de Wörth qui ont suivi.

Craignant une révolte à Paris déclenchée par les défaites de l'armée française, le gouvernement a ordonné à l'armée de se replier dans ses fortifications établies. Cependant, cette manœuvre a facilité la tâche aux Prussiens, qui ont entouré les garnisons et les ont isolées du reste de l'armée française. Le 1er septembre, encerclés par les Prussiens, l'empereur français Napoléon III et 82 000 hommes n'ont pas eu d'autre choix que de capituler. À la fin du mois de septembre, moins de trois mois après le début des hostilités, Paris, la capitale de la France, était complètement encerclé par l'armée prussienne.

Napoléon III a été capturé. Par conséquent, l'Empire français a cessé d'exister et le gouvernement provisoire a proclamé la République française, que les Prussiens ne reconnaîtront pas. La France a résisté et les deux pays se sont préparés à l'état de siège.

Même si l'armée prussienne n'a pas tardé à remporter la victoire, la guerre en est arrivé à une impasse, car la résistance française se renforçait. À la fin de l'année, les forteresses de Metz, de Strasbourg et de Verdun ont capitulé, mais Paris résistait toujours. L'artillerie allemande a commencé à pilonner la capitale le 17 décembre. Toutefois, la détermination de l'armée française avait ses limites. Le 28 janvier 1871, on a finalement conclu un armistice. Le jour suivant, Paris capitulait.

Le 5 mai, on signait le traité de Francfort. Les Français ont dû verser une indemnité de 200 millions de livres. Plus important encore, la Prusse a repris l'Alsace et la Lorraine. Les pénalités sévères qui avaient été imposées à la France lui ont attiré la sympathie de la communauté internationale. Loin de résoudre quoi que ce soit, le traité de Francfort a aggravé les rivalités entre les deux pays. Comme l'explique Fuller, « dès lors, tout ennemi étranger du nouvel empire (prussien) pouvait compter sur l'appui de la France3 » (trad.).

Ses grandes victoires sur l'Autriche et la France ont eu pour conséquence que la Prusse est devenue la force dominante derrière la fusion des anciennes provinces de l'empire de Hapsburg qui se sont alliées pour former l'Empire allemand. En raison du sentiment favorable à la France que suscitaient les dispositions du traité, l'Allemagne s'est sentie de plus en plus encerclée par l'ennemi. Les dirigeants allemands en ont conclu que la seule façon de se protéger était de se préparer à la guerre, ce qui a conduit à une course aux armements sans précédent parmi les plus grandes puissances, ouvrant ainsi la voie aux conflits qui sont survenus au cours du siècle suivant.

Visions du futur : Le Canadian Illustrated News et la couverture médiatique de la guerre

Un journaliste du Daily News britannique a dit qu'à la déclaration de la guerre les médias s'étaient préparés à en faire une couverture médiatique détaillée sans précédent4. Outre les autres quotidiens de l'époque, le Canadian Illustrated News (le News) a reconnu, dès le début, l'importance historique du conflit qui opposait la France à la Prusse. La similarité de la couverture médiatique actuelle de la guerre et celle du XIXe siècle est frappante. Au fur et à mesure que la guerre progressait, le News publiait des articles et des éditoriaux dont le débat portait sur l'inutilité de la guerre et ses répercussions sur les civils. On discutait de la nécessité d'une sécurité collective, on défendait les droits de la personne et l'on préconisait des mesures punitives pour les crimes de guerre qui avaient été commis. Les articles portaient également sur les personnages populaires qui s'étaient démarqués au cours de la guerre et mettaient en relief des éditoriaux illustrant la méfiance latente des médias, laquelle est analogue à l'opinion publique d'aujourd'hui.

Alors que les troupes allemandes et françaises se mobilisaient pour faire la guerre, en juillet 1870, le News a prédit qu'il y aurait de lourdes pertes des deux côtés parce que les combattants étaient de forces égales. Le News a affirmé que le conflit qui était survenu concernant le trône vacant de l'Espagne n'était par la véritable raison de cette guerre. L'« objectif » de la Prusse, a déclaré le News, était de récupérer les territoires de l'Alsace et de la Lorraine. Plus troublante encore était la crainte que cette crise n'implique d'autres nations.

Ce serait un malheur si l'une des deux (la France ou la Prusse) avait prépondérance sur l'autre. Dans ce cas, les autres nations y seraient sans aucun doute mêlées et le conflit qui a débuté entre la France et la Prusse prendrait de l'ampleur à un point tel qu'il atteindrait les dimensions d'une guerre européenne et pourrait même impliquer tout le continent 5. (trad.)

Aussi étonnant que cela puisse paraître, le News prédisait une situation analogue à celle de 1914, si la guerre se prolongeait. Cette prédiction a été ponctuée d'une autre prophétie terrible : « L'Europe continuera d'être victime périodiquement d'importants duels à l'échelle nationale, tels que ceux qui ont été si fréquents au cours des vingt dernières années6. » (trad.)

Ces remarques reflètent la position que le Canadian Illustrated News avait choisi de prendre face à ce conflit. Loin de se contenter de tenir ses lecteurs au courant de la progression des batailles, le quotidien veillait à publier des éditoriaux perspicaces portant sur les conséquences de cette guerre.

Le Canadian Illustrated News avait une opinion avant-gardiste sur bon nombre de questions. Critiquant la stratégie militaire des combattants, le News reconnaissait la trop grande dépendance vis-à-vis des fortifications établies et des armées permanentes que l'on considérait comme une défense contre l'agression7. L'armée française a ignoré cet état de fait jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale. Jusque dans les années 1940, la France possédait l'une des plus importantes armées permanentes du monde et elle était protégée par des fortifications en apparence impénétrables, connues sous le nom de ligne Maginot. Cependant, cette trop grande confiance entretenue par ce faux sentiment de sécurité a été l'une des premières raisons expliquant la victoire rapide de l'armée allemande sur la France. Soixante-dix ans auparavant, cette évolution des conflits modernes avait déjà été abordée dans les pages du Canadian Illustrated News.

Pendant la guerre, le News s'était également fait connaître comme un fervent partisan de la sécurité collective et un défenseur des droits de la personne, deux aspects qui ont une grande influence aujourd'hui en matière de politique étrangère canadienne. Dans l'édition du 19 novembre 1870, le News faisait le commentaire suivant : « Il est tout de même regrettable que les nations soient encore incapables de résoudre de simples conflits sans avoir recours aux armes8. » (trad.) Dans le même article, le quotidien condamnait l'incapacité des autres puissances à prévenir la rupture des relations diplomatiques. Il soutenait que, si ces puissances avaient eu la ferme intention de se battre contre le premier pays qui romprait la paix, la guerre aurait pu être évitée. Ce raisonnement est analogue aux discussions récentes qui appuyaient l'intervention de l'OTAN au Kosovo. Le News était partisan d'une plus grande coopération entre les pays afin qu'ils soient en mesure de prévenir les conflits avant qu'ils surviennent. Cette philosophie ne sera adoptée avec force par la communauté internationale qu'à la fin de la Deuxième Guerre mondiale avec la création des Nations Unies.

En réaction au nombre croissant d'atrocités, le News soutenait que les dirigeants du gouvernement et leurs subalternes devraient, les uns comme les autres, répondre de leurs actes aux yeux du monde9. Ironiquement, cet article avait été rédigé en s'inspirant d'un reportage d'un correspondant de l'Allemagne du Nord. Le News appuyait son point de vue sur la notion selon laquelle les différences qui existent entre les individus et les groupes devraient être respectées :

Ni l'existence harmonieuse à l'échelle nationale, ni la jouissance d'une véritable liberté vécue par les citoyens ne peuvent être assurées par l'anéantissement des différences entre les classes ou les races, mais plutôt par une reconnaissance égale des droits appartenant à chacun, de manière que tous puissent jouir des mêmes privilèges10. (trad.)

Les théories sur l'inaliénabilité des droits de la personne ont été défendues par des philosophes et des théoriciens de la politique pendant plusieurs siècles, mais ce n'est qu'au cours de la deuxième moitié du XXe siècle que la voix populaire s'en est fait l'écho. Du milieu à la fin du XIXe siècle, la grande majorité du peuple canadien considérait ces concepts, comme le News les a qualifiés, de tout à fait  « originaux11 ».

La guerre a eu également des répercussions sur la culture populaire canadienne. Le News a rapporté que les photographies de personnages célèbres de l'époque étaient devenues des marchandises populaires. Alors que la Prusse remportait la victoire, la valeur du portrait de Bismarck augmentait : « le prix pour un portrait authentique de Bismarck passa de un shilling à dix-huit pennies12. » (trad.) D'autres portraits de personnages tels que le roi de Prusse, le général allemand Von Moltke et Napoléon III étaient avidement recherchés. Il est amusant de comparer cet engouement pour les portraits de personnages célèbres à l'exploitation des principaux événements et des personnages politiques des dernières années. On n'a qu'à se rappeler, par exemple, le phénomène de la trudeaumanie au cours des années 1960.

Peut-être l'une des analogies les plus fascinantes entre les points de vue du News et l'opinion publique d'aujourd'hui est celle qui a été publiée dans l'édition du 3 décembre 1870. On signalait qu'un autre quotidien, The Period, avait affirmé que la guerre avait été fabriquée de toutes pièces par les quotidiens dans le but d'accroître le nombre de lecteurs. Pour preuve, The Period indiquait que la reine d'Angleterre n'aurait pas quitté Londres pour l'été au beau milieu d'une guerre qui pouvait éclater à l'échelle du continent européen. Elle serait restée près de la capitale de manière à pouvoir réagir immédiatement si une crise avait éclaté. L'article commentait également l'apathie dont faisaient preuve les représentants élus britanniques envers cette guerre13. Ce soupçon de la part des médias nous rappelle le récent scénario du film Des hommes d'influence, qui soutient la théorie voulant que les conflits soient créés pour des raisons politiques et axées sur le profit. Il est possible que cet article ait eu pour but d'examiner minutieusement l'ambivalence internationale face à la guerre. Cependant, cela n'a été confirmé ni par le quotidien The Period ni par le News. Si cet article a été pris au sérieux, il représente un commentaire social fascinant sur la méfiance tenace que le public entretenait à l'endroit des médias au cours du XIXe siècle et qui prévaut encore aujourd'hui.

L'évolution de la perception publique

La fortune des armes a façonné l'idée que le public canadien s'est faite des personnages importants de ce conflit. Le Canadian Illustrated News (le News) a été consterné lorsque l'armée française, qui était censée être l'armée la plus préparée et la plus déterminée, a été vaincue à Saarbrücken. Napoléon III a immédiatement été traité de stratège militaire incompétent tandis que Bismarck était considéré comme un homme ayant « un grand courage moral et un tact consom14 » (trad.). Cependant, au cours du siège qui a eu lieu à Paris, cette perception s'est transformée. On a rapporté que l'armée prussienne saccageait les campagnes françaises. On a accusé Bismarck de prolonger la guerre inutilement en refusant d'accepter la capitulation de la France à moins qu'il ne soit autorisé à occuper Paris et à réunir son propre gouvernement dans le but de surveiller l'armistice. Dans ses éditoriaux, le News incitait les Prussiens à mettre fin au conflit en signalant que le fait de poursuivre la guerre ne faisait que susciter la sympathie internationale à l'égard des Français15.

Cette affirmation s'est révélée exacte. À la mi-novembre, le News faisait remarquer que la « Prusse, au départ acclamée en tant que conquérante, revêt déjà le masque d'un tyran16 » (trad.). De plus en plus, les articles publiés dans le News portaient sur la détresse des citoyens de Paris attaqués de toutes parts. Les images des Prussiens représentés sur les illustrations se sont mises à pâlir aussi, passant d'images de Prussiens héroïques aux champs de bataille en des illustrations comiques montrant des soldats prussiens complètement ivres, terrorisant un théâtre à Metz17 (voir plus loin). Même après la guerre, des articles en provenance de Paris décrivaient la domination prussienne en des termes peu élogieux :

Dans bien des cas, les soldats ont fait sortir les gens de leur lit... un gentilhomme en fureur contre des soldats insolents les a traités de  « canailles ». Il a été appréhendé et on l'a amené au commandant, qui a ordonné la  « schlag »... Il a été flagellé 18. (trad.)

D'autres quotidiens canadiens allaient dans le même sens. The Globe rendait d'abord la France responsable de la guerre : « La voix des nations a déclaré, sans aucune dissidence, que la France était l'agresseur19. » (trad.) Toutefois, alors que la guerre se prolongeait, on a publié aussi des articles empreints de compassion à l'égard des Parisiens assiégés et à propos des pillages des campagnes françaises perpétrés par les Prussiens. The Montreal Gazette était davantage critique à l'endroit des Prussiens. En réaction à la demande de la Prusse pour obtenir l'Alsace et la Lorraine, The Gazette a fait paraître un article virulent:

Que la Prusse soit déloyale, c'est peut-être ce à quoi nous pouvons nous attendre. Ses traditions interdisent le respect de la bonne foi politique 20. (trad.)

The Gazette a fait preuve d'un appui indéfectible à l'égard de la France à un point tel que, même à la veille de la capitulation de Paris, elle a fait paraître un article faisant l'éloge de l'esprit combatif des Français : « il est impossible que les Parisiens prennent en considération la question de la capitulation; ils ont hâte de se battre sous les commandes d'un chef compétent21. » (trad.) Les points de vue de plus en plus hostiles à l'endroit des Prussiens que manifestaient The Globe et The Gazette prouvaient que le Canadian Illustrated News avait vu juste dans ses prédictions. Les Prussiens pouvaient gagner la bataille; toutefois, grâce à la couverture médiatique, ils allaient perdre la guerre aux yeux du public, et ce, presque en raison de leur victoire.

Conclusion

Dans un article paru au début de la guerre franco-allemande, The Montreal Gazette commentait le nombre effarant de pertes qu'entraînaient les conflits modernes. On rapportait que, entre 1853 et 1866, 1 750 000 personnes avaient été tuées au cours des guerres qui se sont déroulées en Europe, aux États-Unis, au Mexique et en Chine22. Le Canadian Illustrated News abordait également la question de l'intensification de la brutalité de la guerre. Le News était conscient des leçons qu'il fallait tirer du dernier conflit européen important qui avait eu lieu au XIXe siècle. Il soutenait qu'il était nécessaire d'élaborer de nouvelles stratégies pour répondre à la transformation rapide de la guerre. Plus important d'ailleurs, il prévoyait l'augmentation des pertes occasionnées par la guerre chez les civils et le besoin de créer de nouveaux mécanismes pour réagir contre les atrocités en temps de guerre. Enfin, il était conscient du besoin des nations de trouver des solutions de rechange pour parvenir à résoudre les conflits, de préférence en créant des institutions chargées de diriger le droit international. Tous ces aspects prouvent que le Canadian Illustrated News était très avant-gardiste pour l'époque.

La guerre franco-allemande en images

Au cours des sept mois qu'a duré la guerre, les illustrations pittoresques des paysages du Canada qui caractérisaient le Canadian Illustrated News ont fait place à des dessins dramatiques de champs de bataille en Europe et à des images horribles de civils s'écroulant sous les tirs, qui ont eu une portée considérable. Tout comme les perceptions écrites du conflit, les représentations en images de la Prusse et de la France ont évolué rapidement.

Les victoires de plus en plus nombreuses du côté de la Prusse signifiaient que le nombre de prisonniers français à surveiller augmentait également. Le Canadian Illustrated News n'a pas tardé à signaler l'attitude des Allemands dans leur façon de traiter les prisonniers. L'image est d'autant plus frappante parce que les prisonniers français sont des conscrits africains. Malgré cela, les femmes prussiennes les servent comme s'ils étaient des invités d'honneur et les gardiens semblent manifester de la compassion et une attitude presque fraternelle à l'endroit des prisonniers. Étant donné les préjugés raciaux qui sévissaient à l'époque un peu partout dans les pays occidentaux, cette image est une illustration remarquable. En voyant cette image, un lecteur du XIXe siècle en arrivait à la conclusion que les Prussiens étaient courtois et bienveillants à l'endroit de leurs ennemis, alors même qu'ils étaient aux prises avec une lutte impitoyable sur le champ de bataille.

Battle of Mars-la-Tour – image parue le 19 novembre 1870

À chaque victoire écrasante, la communauté internationale s'émerveillait devant la manifestation de la puissance allemande, telle que le représente cette image montrant la cavalerie prussienne chargeant une garnison française près de Metz. Les soldats prussiens apparaissent héroïques et imbattables alors qu'ils avancent tout droit vers le tir meurtrier des canons. Les troupes françaises, pour leur part, courent dans tous les sens, complètement terrifiées, ou tentent désespérément de tenir bon face à l'inévitable. Le News a fait remarquer que ce combat a été l'un des plus sanglants de cette guerre.


A Street in Sedan After the Capitulation – image parue le 10 décembre 1870


Distribution of Sheep to Bavarians – image parue le 10 décembre 1870

Au fur et à mesure que le conflit dégénérait, les illustrations changeaient de plus en plus pour dépeindre plutôt la vie sous la domination prusse. Contrastant de façon marquée avec l'image pittoresque des prisonniers français parue seulement deux mois auparavant, ces deux illustrations montrent les Prussiens comme des oppresseurs. Notez la différence dans la façon dont les Allemands sont représentés ici. Loin des visages heureux des prisonniers bien nourris, les citoyens de Sedan semblent vivre dans une misère épouvantable. Ces images tentent de saisir les sentiments de désespoir qui habitent apparemment le peuple vaincu et suscitent des sentiments de colère et de dégoût à l'endroit des Prussiens.


Prussians at Metz; Quartered in the Theatre – image parue le 4 février 1871

L'image négative des Prussiens paraît encore dans cette illustration. Contrastant de façon marquée avec les magnifiques personnages de « Battle of Mars-la-Tour », l'illustration montre des soldats prussiens rassemblés en une foule indisciplinée au lieu de refléter l'image de la crème des soldats prussiens. Par cette illustration, le soldat prussien passe du noble guerrier plein de compassion à la brute impitoyable dans l'esprit des Canadiens. Ces images seront perçues comme caractéristiques des Allemands jusqu'au siècle suivant.

Notes de bas de page

1. Canadian Illustrated News, 3 décembre 1870, vol. II, p. 358.

2. J. F. C. Fuller, War and Western Civilization 1832-1932, New York : Books for Library Press,
1re édition : 1932; 2e édition : 1969, p. 116.

3. Ibid., p. 128.

4. The Daily News, Correspondence of the War between Germany and France 1870-71,
London : Macmillan and Co., 6e édition, p. 5.

5. Canadian Illustrated News, 23 juillet 1870, vol. II, p. 54.

6. Ibid., p. 54.

7. Canadian Illustrated News, 29 octobre 1870, vol. III, p. 277.

8. Canadian Illustrated News, 19 novembre 1870, vol. III, p. 326.

9. Canadian Illustrated News, 26 novembre 1870, vol. III, p. 351.

10. Ibid., p. 346.

11. Ibid., p. 351.

12. Canadian Illustrated News, 24 septembre 1870, vol. III, p. 207.

13. Canadian Illustrated News, 3 décembre 1870, vol. III, p. 359.

14. Canadian Illustrated News, 13 août 1870, vol. III, p. 106.

15. Canadian Illustrated News, 15 octobre 1870, vol. III, p. 250.

16. Canadian Illustrated News, 19 novembre 1870, vol. III, p. 325.

17. Canadian Illustrated News, 4 février 1871, vol. IV, p. 66.

18. Canadian Illustrated News, 8 avril 1871, vol. IV, p. 162.

19. The Globe, 23 juillet 1870, vol. XXVII, p. 2.

20. The Montreal Gazette, 25 janvier 1871, vol. C, p. 3.

21. Ibid., p. 3.

22. The Montreal Gazette, 13 juillet 1870, vol. XCIX, p. 3.

Sources consultées

Sources de première main

  • Canadian Illustrated News,vol. II.
  • The Globe, 23 juillet 1870, vol. XXVII.
  • The Montreal Gazette, vol. C, 25 janvier 1871.

Sources de seconde main

  • Fuller, J. F. C. War and Western Civilization 1832-1932, 2e impression, New York : Books for Library Press, 1969.
  • The Daily News Correspondence of the War between Germany and France 1870-7, 6e édition, London : Macmillan, 1872, XIX, 594 p.
  • Holsti, Kalevi. Peace and War : Armed Conflicts and International Order 1648-1989, Cambridge : Cambridge University Press, 1991.
  • Kiernan, V. G. From Conquest to Collapse : European Empires from 1815 to 1960, New York : Pantheon Books, 1982.

Ressources connexes

Sites Web

  • Rescol canadien : ressources pédagogiques : Sciences humaines – géographie
  • Encarta Maps : Canada
  • L'Atlas national sur le Rescol canadien
  • Gendarmerie du Nord-Ouest : Marche vers l'ouest
  • Northwest Passage : The Quest for an Arctic Route to the East
  • The Northwest Resistance : Louis Riel

Textes

  • The Western Experience, vol. III : The Modern Era, 5e édition, New York : McGraw-Hill, 1991.
  • Harper, J. Russell. Early Painters and Engravers in Canada, Birkenhead (Angl.) : Willmer Brothers, 1970.
  • The World and its Peoples : Photographed and Described, New York : Rand, McNally, 1907.
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